• - Jil ? Réveillez-vous, quelqu'un veut vous voir, dit une voix féminine en tapotant ma joue.

     

    Ma vision était floue et je ne voyais que de vagues taches de couleur se déplacer sur un fond blanc. Entièrement blanc. Trop blanc. Puis elle se précisa et je pus observer plusieurs machines dont un cardiogramme, une table d'opérations et un appareil de radiographie. Sûrement un bloc post-opératoire d'hôpital.

    Royce entra par une porte en face de moi. Il arborait toujours son expression sereine mais il semblait préoccupé par mon état, ce qui me rappela que je ne savais toujours pas exactement ce qu'il m'était arrivé.

     

    - J'ai fait tout mon possible pour te ramener à la maison, dit-il une fois arrivé à côté de mon lit. Je sais que tu détestes les hôpitaux.

     

    Je compris alors que je ne me trouvais pas à l'hôpital, mais chez moi, dans la pièce de la villa qui servait de salle d'urgences à Royce.

     

    - J'ai engagé une infirmière pour s'occuper de toi, je ne pouvais pas laisser tomber les urgences de l'hôpital, même pour un cas comme toi, ajouta-t-il, apparemment à regrets. Il savait aussi que je n'aimais pas qu'on s'occupe de moi.

     

    La première chose qui me vint à l'esprit fut de savoir depuis combien de temps j'étais inconscient.

     

    - Royce ... Depuis combien de temps suis-je ici ? 

    - Deux semaines et demie, répondit-il après un silence.

     

    Je sursautai à l'annonce de la nouvelle. La durée de mon inconscience me parut excessivement longue.

     

    - Plusieurs d'élèves de ton lycée sont passés te voir à l'hôpital, mais personne depuis que tu es ici, reprit-il. 

    - T'ont-ils donné leurs noms ? répondis-je sans avoir besoin de réfléchir. Il fallait que je sache si Ashley m'avait vu sans défenses. Je ne savais pas pourquoi mais je savais que cette information était vitale pour moi. 

    - Un blond athlétique, Edward, est passé deux fois prendre de tes nouvelles. Et aussi, une petite brune, Ashley, est passée plusieurs fois pour essayer de te parler, mais ils ne l'ont pas laissée entrer dans ta chambre. Une dizaine d'autres n'ont pas laissé leur noms, mais ils se trouvaient tous dans ta classe, récita méthodiquement Royce.

     

    Je me retins de lui demander comment il avait su qu'ils étaient tous dans ma classe. Royce avait une mémoire infaillible et des sources sûres. Il était peut-être même passé plusieurs fois lui-même pour être au courant de l'avancement de mon état. Ashley était donc passée. Je me mordis la lèvre mais je me réjouissais que les medecins ne l'aient pas laissée me voir. Malgré cela, l'intention me touchait profondément. Je ne sais pourquoi, mais plus encore que pour Edward et les autres.

     

    - Qu'est-il arrivé précisément depuis le cours de volleyball ? demandai-je. Cela m'importait peu mais je tenais à savoir ce que j'avais manqué.

     

    Royce me fit un compte-rendu très pointilleux : j'avais été hospitalisé et la radiographie avait révélé une déchirure ligamentaire et une rupture de la capsule articulaire. Edward avait insisté fortement à deux reprises pour me voir ; mais on ne l'avait laissé faire que la deuxième fois. On m'avait posé une attelle la semaine précédente, et je devrais la garder encore environ une dizaine de jours selon Royce. Je n'avais ouvert que très brièvement les yeux lors de mon transfert à la villa, puis une infirmière s'était occupée de moi jusqu'à aujourd'hui.

     

    - Je sais que tu cicatrises bien plus vite que la normale, mais tu vas certainement devoir suivre une rééducation à la sauce des services secrets, continua-t-il, l'infirmière étant sortie.

     

    Évidemment. Le MI-6 savait déjà tout en détails ce qui m'était arrivé depuis mon déménagement aux États-Unis. Ils avaient des agents partout, l'infirmière elle-même en était sûrement un. C'était leur manière à eux de garder un œil sur leurs effectifs.

     

    - Très bien. Autant commencer maintenant alors, dis-je en enlevant la perfusion de sang et en repoussant la couverture.

     

    Royce essaya de me retenir, sans grande conviction toutefois, et je descendis du lit avec mon agilité féline naturelle – celle d'un tueur-né, pensai-je amèrement – et fis rouler mes épaules. J'eus un sentiment alors aussi agréable que si l'on m'avait transpercé l'épaule d'une barre de fer chauffée à plus de cent degrés. Mon mouvement totalement idiot et irréfléchi me fit pousser un cri et tomber à genoux. Il m'attira aussi les réprimandes de mon père.

    Royce me souleva et me rassit sur le bord du lit. Il me tendit une verre d'eau avec deux cachets d'analgésique pour diminuer ma douleur.

     

    - Jil, tu vas devoir faire attention à toi, dit-il calmement d'une voix qui ne me permettait pas de protester. D'ici un peu moins d'une semaine, tu pourras bouger ton épaule sans trop de douleur. Tu suivras un programme d'exercices d'assouplissement pendant quelques jours puis te pourras faire ta propre réhabilitation sur le terrain.

     

    Sur le terrain. Pour un espion des Opérations Spéciales du MI-6, sur le terrain signifie faire toute sorte de choses que n'importe quel personne sensée ne ferait pas sauf à vouloir mettre sa vie en danger. Comme monter aux immeubles par les fenêtres sans corde de sécurité, sauter de toit en toit même si ceux-ci sont très largement espacés, sauter de bâtiments de plusieurs mètres de haut, monter aux montagnes sans corde de rappel ou harnais quelconque et tout autre sorte de sports pratiqués à l'extrême.

     

    - On m'attend au bloc opératoire, reprit-il. Je compte sur toi, Jil.

     

    Il se leva et sortit par la porte de devant, me laissant seul dans la pièce blanche.


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